jeudi 1 octobre 2009

Faut-il s’offusquer de la nomination d’Henri Proglio à la tête d’EDF ?


La chose paraît désormais acquise : le successeur de Pierre Gadonneix à la présidence d'EDF s'appellera Henri Proglio.

Agé de 60 ans, l’homme est depuis longtemps une figure du patronat français. Né à Antibes d’une famille d’immigrés italiens, il intègre HEC (promo. 71) et entre à la Compagnie Générale des Eaux (CGE) où il fera une brillante carrière qui le mènera en 1997 au poste de directeur général adjoint, le groupe étant alors dirigé par le sémillant Jean-Marie Messier auquel il voue une admiration et une affection mitigées. Lorsque Messier décide, à la fin des années 90, de lancer la CGE à fond dans la communication, il coupe le groupe en deux : d’un côté Vivendi, de l’autre Véolia (eau, propreté, gestion des déchets) et Vinci (parkings et infrastructures). C’est Véolia qui hérite de la majorité des dettes du groupe, et Henri Proglio qui hérite de la direction de Véolia. Grâce à une gestion rigoureuse et un réel entregent, il sortira bientôt la filiale du rouge, puis en fera une entreprise prospère alors même que Messier précipite Vivendi dans la faillite que l’on sait. Aujourd’hui, Véolia réalise un CA de l’ordre de 36 milliards d’euros pour un résultat net de 700 millions. Soulignons toutefois que, depuis trois ou quatre ans, Véolia poursuit une stratégie d’expansion et d’investissement qui se traduit par un endettement important.

Henri Proglio est donc incontestablement un grand patron aux compétences démontrées. C’est par ailleurs un proche de Nicolas Sarkozy, puisqu’il faisait partie des invités à la fameuse soirée du Fouquet’s. Enfin, dans la grande tradition des patrons français, il est également administrateur de la CNP, du groupe Lagardère, de Casino et… d’EDF. Ce qui montre qu’il connaît déjà la boutique.

Il n’y a donc, me semble-t-il, pas grand’chose à redire à cette nomination. Voilà un homme compétent, efficace et qui ne débarquera pas en pays inconnu. C’est un proche de M. Sarkozy, mais il ne me paraît anormal qu’un poste aussi stratégique que la présidence d’EDF soit confié par le pouvoir à un homme du sérail.

La vraie difficulté tient plutôt à cette disposition particullière: tout en présidant EDF, M. Proglio conserverait une fonction «non exécutive» de président du conseil de surveillance de Véolia.

En soi, cela ne serait pas nouveau. Par exemple, M. Jean-Cyril Spinetta a pu présider le conseil d’administration d’Air France tout en présidant le conseil de surveillance d’Areva ; tandis que M. Mestrallet est à la fois PDG de GDF-Suez (entreprise semi-publique) et président du conseil d’administration de Suez Environnement (entreprise privée). Mais dans le cas de M. Proglio, les deux fonctions visées sont toutes deux opérationnelles et représentent une importante charge de travail. Et surtout, cette double casquette semble bien annoncer une rapide privatisation d’EDF.

En effet, il est fortement question depuis quelques mois qu’EDF entre au capital de Véolia. Les deux entreprises partagent déjà une filiale, Dalkia, spécialisée dans les services liés au chauffage et à l’énergie. L’idée serait qu’EDF cède à Véolia ses parts de Dalkia, en échange de parts dans Véolia. L’opérateur deviendrait ainsi le premier actionnaire de Véolia, avec 14% du capital. L’opération permettrait à Véolia, très endettée, de récupérer le cash-flow généré par sa filiale. Et accessoirement, ce serait un premier pas vers une fusion entre EDF et Véolia, qui permettrait à terme de mener l’opérateur public vers une semi-privatisation. Exactement comme, voilà un an à peine, la fusion de GDF et de Suez-Lyonnaise des Eaux a permis de privatiser graduellement GDF. En ayant un pied dans chaque entité, Henri Proglio serait le pilote idéal de cette délicate opération. D’autant qu’il a su nouer, en tant qu’administrateur, de très bons contacts avec les syndicats d’EDF.


Ch. Romain

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