dimanche 22 novembre 2009

«Non merci, ça ne m’intéresse pas…»

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Dans le Direct-Soir du vendredi 13 novembre, le chroniqueur Jean-Marc Morandini nous donne l’information suivante : «Les Français n’ont pas été intéressés par la célébration de la chute du mur de Berlin retransmise sur nos deux plus grandes chaînes. (…) Jamais entre 18h et 20h il n’y avait eu si peu de monde devant TF1 et France 2. (…) Seulement 16% de part de marché sur TF1 au lieu des 25% habituels, et 7% de PDM sur France 2 au lieu de 14%. Les téléspectateurs ont fui en masse vers les autres chaînes, boostant les audiences de toutes les chaînes de la TNT à cette heure-là.»

Ainsi, malgré (ou peut-être à cause de) un gros battage médiatique, malgré une semaine de préparation d’artillerie sur le thème de l’événement historique, les Français ont simplement regardé ailleurs.

Je vois dans ce phénomène le même mécanisme que dans d’autres, et en particulier l’abstention électorale. On a assez souligné que cette abstention avait été une nouvelle fois en croissance lors des élections européennes : 53,2% en 1999, 57,2% en 2004 et 59,4% en 2009. Scrutin sans enjeu réel, a-t-on pu dire en guise d’explication. Mais que dire, par exemple, de l’élection législative partielle, en octobre dernier, dans la 12eme circonscription des Yvelines ? Un député à élire, un affrontement PS/UMP, une figure médiatique comme candidat (David Douillet) : tout semblait réuni pour intéresser les foules. Résultat ? 70% d’abstention au premier tour, 67% au second ! Certes, à Rambouillet, peu de temps avant, une autre législative partielle avait mobilisé deux électeurs sur trois. Mais tout de même…

D’autres signes, plus ou moins épars, semblent indiquer la même tendance. Tantôt, c’est un livre annoncé à grand renfort de trompettes comme le succès prévisible de l’année (les entretiens entre Houellebecq et BHL) et qui fait un bide retentissant. Tantôt, c’est une campagne nationale de vaccination qui ne trouve pas preneur. Ou bien, c’est l’invraisemblable floraison sur Internet de dessins et surtout de vidéos prenant pour cible Nicolas Sarkozy avec parfois un talent et une méchanceté de très haut niveau.

L’impression que j’en retire, c’est qu’il se crée entre le peuple français et «la France d’en-haut» non plus un fossé, mais un découplage. Comme si les Français, sollicités de diverses manières, répondaient simplement : «Non merci, ça ne m’intéresse pas...». Les événements de toutes sortes prévus pour eux les laissent de marbre. Et la révolte politique ne s’exprime ni dans la rue, ni dans les urnes, mais sur le mode virtuel de la moquerie par Dailymotion interposé. Comme si une certaine forme d’agitation politique, culturelle ou médiatique n’était pour eux qu’un théâtre d’ombre sans rapport avec le réel, qu’on ignore ou auquel on ne s’intéresse que pour en rire, tandis que l’on poursuit par ailleurs ses activités quotidiennes.

Certains appelleraient cela de la résignation. D’autres s’inquièteraient en soulignant que cela ne peut pas durer éternellement et que l’indifférence n’est peut-être qu’une incubation. Le prochain scrutin, prévu pour mars 2010, va nous apporter un début de réponse. Si les Français, d’une façon ou d’une autre, font passer un message (rejet ou soutien de l’UMP, vote protestataire fort pour les partis extrémistes, vote «vert»…), c’est qu’ils n’auront pas encore perdu tout espoir d’être entendus. Mais si au contraire ces élections connaissent un très fort taux d’abstention, de l’ordre de 45 à 50%, il y aura vraiment lieu de s’alarmer.



Christian Romain

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