Le 24 juin dernier, une belle cérémonie se tient à la Sorbonne. C’est la remise du Grand Prix Paris-Match du photoreportage étudiant. Ce prix, doté de 5 000 € et d'une publication, récompense le meilleur reportage réalisé par des apprentis journalistes «dans l’esprit Paris-Match».
Cette fois-ci, le prix récompense un reportage émouvant et terrible sur la précarité étudiante. Avec des témoignages-chocs. Un étudiant qui dort dans sa voiture, une autre qui se prostitue, un troisième qui vit dans un squat sordide… Les deux lauréats, fiers et modestes, écoutent sagement les discours de félicitations des importants qui constituent le jury. Guillaume Chauvin et Rémi Hubert ne sont pourtant pas étudiants en journalisme, mais en Art déco à l'ESAD de Strasbourg. Après le déferlement de compliments convenus, l’un d’eux se lève et lit un texte. Un texte choc. Le poids des mots, comme on dit à Paris-Match.
Jugez-en : le texte en question révèle que le reportage couronné est parfaitement bidon, et que ses auteurs se sont simplement amusés à pousser jusqu’au bout les clichés, les lieux communs et les idées reçues que la Presse, ils l’ont démontré, est toute prête à avaler et à répandre sans le moindre souci de vérification. Le texte des deux étudiants est une véritable philippique, expliquant que «(leur) démarche, en tant que faiseurs d'images, est une tentative de remise en question : celle des rouages d'un discours médiatique qui a pour ingrédients la complaisance et le voyeurisme dans la représentation de la détresse».
Légère gêne dans le jury à la lecture de ce texte, mais pas plus. De toute façon, le reportage doit paraître dans le Paris-Match du lendemain ; il est trop tard pour faire quoi que ce soit. «On était très surpris, raconte Rémi Hubert. Le jury faisait un peu la tête, mais on nous a remis le chèque comme si de rien n'était.» Il faudra quelques jours pour que ledit jury fasse connaître sa décision d’annuler l’attribution du Grand prix aux deux farceurs.
Le plus amusant, dans l’histoire, c’est que pour réussir leur mystification, Rémi Hubert et Guillaume Chauvin ont «simplement» étudié à fond et reproduit avec une efficace fidélité les codes et les tics de Paris-Match. Ce qui a suffi pour leur valoir, sans la moindre vérification ni la moindre contre-enquête, une consécration et une publication par le fameux magazine «d’actualité». A la surprise des auteurs eux-mêmes. «On avait exagéré les photos, écrit les légendes à la première personne pour bien faire larmoyer... On trouvait ça un peu caricatural, expliquent-ils, on pensait que ça serait trop, que ça ne passerait pas.» Sauf que c’est passé. Et que ça a même décroché le grand prix.
Mésaventure réjouissante. Mais pas seulement. Au delà de la baffe assénée aux rédacteurs d’un des plus méprisables torcheculs de la presse française contemporaine, cette petite histoire nous en dit beaucoup sur l’endogamie des journalistes, leur voluptueuse tendance à plonger dans leurs propres miroirs et l’invraisemblable absence de professionnalisme qui préside à la fabrication en chaîne de ce qu’on l’on nomme abusivement «l’information». Et bien sûr, elle nous en dit beaucoup sur la perte de crédibilité des médias installés. Il y a plus d’enseignement dans cette farce de potache que dans trois semaines d’Etats généraux de la Presse.
Cette fois-ci, le prix récompense un reportage émouvant et terrible sur la précarité étudiante. Avec des témoignages-chocs. Un étudiant qui dort dans sa voiture, une autre qui se prostitue, un troisième qui vit dans un squat sordide… Les deux lauréats, fiers et modestes, écoutent sagement les discours de félicitations des importants qui constituent le jury. Guillaume Chauvin et Rémi Hubert ne sont pourtant pas étudiants en journalisme, mais en Art déco à l'ESAD de Strasbourg. Après le déferlement de compliments convenus, l’un d’eux se lève et lit un texte. Un texte choc. Le poids des mots, comme on dit à Paris-Match.
Jugez-en : le texte en question révèle que le reportage couronné est parfaitement bidon, et que ses auteurs se sont simplement amusés à pousser jusqu’au bout les clichés, les lieux communs et les idées reçues que la Presse, ils l’ont démontré, est toute prête à avaler et à répandre sans le moindre souci de vérification. Le texte des deux étudiants est une véritable philippique, expliquant que «(leur) démarche, en tant que faiseurs d'images, est une tentative de remise en question : celle des rouages d'un discours médiatique qui a pour ingrédients la complaisance et le voyeurisme dans la représentation de la détresse».
Légère gêne dans le jury à la lecture de ce texte, mais pas plus. De toute façon, le reportage doit paraître dans le Paris-Match du lendemain ; il est trop tard pour faire quoi que ce soit. «On était très surpris, raconte Rémi Hubert. Le jury faisait un peu la tête, mais on nous a remis le chèque comme si de rien n'était.» Il faudra quelques jours pour que ledit jury fasse connaître sa décision d’annuler l’attribution du Grand prix aux deux farceurs.
Le plus amusant, dans l’histoire, c’est que pour réussir leur mystification, Rémi Hubert et Guillaume Chauvin ont «simplement» étudié à fond et reproduit avec une efficace fidélité les codes et les tics de Paris-Match. Ce qui a suffi pour leur valoir, sans la moindre vérification ni la moindre contre-enquête, une consécration et une publication par le fameux magazine «d’actualité». A la surprise des auteurs eux-mêmes. «On avait exagéré les photos, écrit les légendes à la première personne pour bien faire larmoyer... On trouvait ça un peu caricatural, expliquent-ils, on pensait que ça serait trop, que ça ne passerait pas.» Sauf que c’est passé. Et que ça a même décroché le grand prix.
Mésaventure réjouissante. Mais pas seulement. Au delà de la baffe assénée aux rédacteurs d’un des plus méprisables torcheculs de la presse française contemporaine, cette petite histoire nous en dit beaucoup sur l’endogamie des journalistes, leur voluptueuse tendance à plonger dans leurs propres miroirs et l’invraisemblable absence de professionnalisme qui préside à la fabrication en chaîne de ce qu’on l’on nomme abusivement «l’information». Et bien sûr, elle nous en dit beaucoup sur la perte de crédibilité des médias installés. Il y a plus d’enseignement dans cette farce de potache que dans trois semaines d’Etats généraux de la Presse.
Ch. Romain
.
.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire