jeudi 12 novembre 2009

Le FN reprend-il du poil de la bête ?

Oui, je sais, certains trouveront qu’il y a presque un jeu de mot idiot dans ce titre. «Bête immonde», bien sûr. Le réflexe n’est jamais loin quand on parle du FN. Même si, pour ma part, je pense qu’il faut dissocier le programme du FN et ses idées xénophobes de ceux qui votent pour lui, par désespoir, par angoisse ou par rancœur.

Bref, le FN est-il en train de remonter dans les sondages et dans les cœurs ? C’est ce qu’on entend dire. De fait, un sondage Le Figaro de fin-octobre lui donnait 9% d’intentions de vote pour les régionales de 2010. Et un second sondage, IFOP, de début novembre sur la Présidentielle (de 2012 !) crédite Marine Le Pen de 11%. Comparés aux 6,3% obtenus par le FN aux élections européennes, ces chiffres semblent montrer une réelle remontée.

A voir les efforts déployés ces dernières semaines par le gouvernement, il a dû sembler urgent, en haut lieu, de donner des gages en termes d’expulsion d’immigrés, d’encadrement des mineurs ou d’identité nationale. Des sondages élyséens confidentiels seraient-ils venus confirmer une remontée du parti de la famille Le Pen ?

Pour beaucoup, l’abattage médiatique et le dynamisme de Marine Le Pen représenteraient le premier danger, la première cause d’une remontée éventuelle du FN. D’apparence nettement moins xénophobe ou antisémite que son père, habile à débattre sans se démonter, plus posée mais tout aussi combative que papa, Marine apporterait au Front National une nouvelle respectabilité, un visage plus apte à séduire des catégories d’électeurs décidément réfractaires à la rhétorique fleurie de Jean-Marie.

C’est sans doute vrai. Mais je ne crois pas que ce soit la raison essentielle. Pour moi, si le FN devait aujourd’hui retrouver des couleurs, ce serait d’abord à cause de l’échec de Nicolas Sarkozy.

On trouve certes au Front National un assemblage plus ou moins hétéroclite de vichystes nostalgiques, d’intégristes cathos ou d’ex-OAS. Mais ceux-là sont très, très loin de représenter la majorité de l'électorat frontiste. C'est plutôt l'écume. Le fond de l'électorat, ce sont des citoyens des classes populaires, exposés à toutes les dégradations économiques, sociales et fiscales de ces vingt dernières années, et dont personne ne s'est véritablement soucié. A la fin des années 90, le FN était le premier parti ouvrier de France. Comme le dit Djamel Debbouze avec une grande lucidité, «un frontiste, c'est un communiste qui a été cambriolé deux fois».

Cet électorat angoissé a été «siphonné» par Nicolas Sarkozy sur des promesses de sécurité, d'amélioration du pouvoir d'achat et de réduction des impôts. Ils y ont cru. Aujourd'hui, c'est l'échec dans tous les compartiments du jeu ; et un échec encore accru par l'impudence d'un comportement «bling-bling» et d'un népotisme sans vergogne. Cette frange de l'électorat sarkozyste se sent donc doublement flouée. Il serait alors naturel, la copie ayant montré ses limites, qu’elle retourne vers l'original. Et comme l'original a pris dans l'intervalle un visage plus souriant et plus présentable, le transfert n'en sera que plus aisé.

Les régionales nous diront en mars prochain quel est le niveau actuel du Front National. Mais s’il devait remonter, la cause première en serait la déception causée par les trente premiers mois de présidence sarkozienne.


Ch. Romain


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