mercredi 28 octobre 2009

UE : les mauvais comptes de la présidence française.

Parmi les diverses réalisations réelles ou supposées de Nicolas Sarkozy à mi-chemin de son mandat, la présidence de l’Union européenne occupe une place de choix. C’est du moins ce que nous serinent volontiers les porte-parole de l’UMP. A les en croire, jamais avant SuperSarko l’Union européenne n’avait été présidée aussi efficacement, les décisions prises aussi rapidement, les dossiers traités aussi rondement et les chefs d’Etat fédérés et managés avec autant de brio. C’est au point que notre vénéré Président, au moment de laisser la place, eut un petit sourire de pitié pour son successeur tchèque et lui proposa à demi mots de lui donner un coup de main.

Les résultats concrets de cette présidence restent encore à évaluer clairement. Les conséquences de — entre autres — l’ouverture de deux nouveaux chapitres de négociation sur l’adhésion de la Turquie, le projet d’union pour la Méditerranée, la redéfinition de la politique agricole commune ou l’échec d’un plan anti-crise à l’échelle européenne ne sont pas encore totalement connues. Il est néanmoins une conséquence dont on peut être sûr, c’est l’effet roboratif qu’aura eu cette présidence sur l’ego de notre cher Président et sur l’excellente opinion qu’il a déjà de lui-même.

A cet égard, on n’aura pas lésiné. La Cour des Comptes vient de publier son rapport sur le coût pour le contribuable français de ces six mois de présidence. Un rapport édifiant : «Par son ampleur, le caractère irrégulier des procédures suivies et son impact massif pour les finances publiques, ce sommet constituera une forme de record».

Selon ce rapport, pour les six mois de présidence, les dépenses somptuaires se sont élevées à 171 millions d’euros. Un million d’euros par jour. En réceptions, aménagements de locaux, bouquets de fleurs et autres fantaisies bling-bling. Et ce, alors que le pays se débat avec une crise économique majeure, que le chômage augmente et que «les caisses sont vides». Pour donner une idée, 171 millions d’euros, c’est ce que coûtent 120 instituteurs pendant leurs quarante années de carrière.

Lors de sa précédente présidence, en 2000, la France avait dépensé 58 millions d’euros pour le même genre de prestations. Trois fois moins. Et on n’était pas en crise…

Le pompon revient à l’organisation du sommet de Paris pour l’Union de la Méditerranée, tenu au Grand Palais le 13 juillet 2008. Quatre heures de déroulement pour un coût de 16,5 millions d’euros. Plus de 4 millions par heure. A côté de ça, le Fouquet's fait Resto du Cœur.

La Cour des Comptes, par la plume de son président Philippe Séguin, constate que l’organisation de ce sommet s’est faite le plus souvent dans l’urgence et la précipitation, d’où «des accommodements avec les règles de mise en concurrence qui n’ont pas permis d’en tirer tout le parti possible en termes d’efficacité de l’achat public». Un exemple entre mille : la création pour ce sommet d’un logo commandé à Philippe Starck et facturé 57 000 euros.

Sur ces 16,5 millions, 12 ont été consacrés à des aménagements de locaux. Des aménagements réalisés dans l’urgence : «en raison des arbitrages tardifs quant à ses modalités et de l’urgence qui en est résultée, sa réalisation a été assurée sans faire appel à la concurrence», écrit M. Séguin. Et pas n’importe quels aménagements. Dame ! C’est qu’on ne recevait pas n’importe qui et que, fût-ce pour quatre heures, il fallait en mettre plein la vue aux collègues européens. Le Grand Palais a donc été habillé en conséquence : 32 cabines pour les interprètes, une énorme salle de Presse pour 2 000 journalistes, une salle de déclaration finale, une salle d’écoute, huit salles de point Presse, des bureaux pour les chefs de délégation, huit salons d’entretiens bilatéraux (avec salle de douche attenante), sans compter la climatisation, la décoration luxueuse et... les quatre bus mobilisés pour emmener les journalistes à une tente plantée cent mètres plus loin. «L’ensemble, nous dit la Cour des Comptes, a rendu nécessaire la création d’un plancher surélevé de 1,20 m, la création d’escaliers et une décoration de prestige. Le chantier aura mobilisé plus de 500 ouvriers dont 300 ont dû travailler la nuit». Le site Médiapart mentionne (en en rajoutant un peu, semble-t-il quand même) que l’installation d’une cabine de douche serait finalement revenu à plus de 240 000 euros. Une douche qui n’aura pas servi. Car bien entendu «tous les aménagements en question ont été démontés dès le lendemain du sommet et n'ont pas été repris ou réutilisés par l'administration».

C’est d’ailleurs l’un des points qui chagrinent le plus M. Séguin : «Les coûts importants générés par la présidence française de 2008 l’auront été sans aucun retour sur investissement, s’agissant d’équipements publics». Sauf à considérer que l’image de la France (et de son Président-monarque) sont réellement sorties grandies de ces événements somptuaires. Mais est-ce vraiment le cas ?

Ce qui est certain, c’est que le détail de toutes ces dépenses montre une fois encore l’invraisemblable fossé qui sépare les déclarations et les actes dans la pratique sarkozyste de la présidence A mi-mandat, des révélations comme celle-ci ou des affaires comme celle de la candidature de Jean Sarkozy à l’EPAD dessinent le portrait d’un président intoxiqué par son pouvoir, ayant perdu le sens des limites ou de la décence et, plus grave, sans garde-fou dans son entourage. Une dérive préoccupante.


Ch. Romain

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