mercredi 17 février 2010

Poids et mesures.

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Dans les années 70-80, un pays était au ban des nations. Certains états faisaient, discrètement, sous le manteau, un peu de commerce avec lui, parce que les affaires sont les affaires ; mais officiellement, un boycott avait été décrété et la réprobation était unanime. Pour vous donner une idée : à l‘école, en cours de langue, on étudiait des textes expliquant pourquoi ce pays méritait d’être méprisé et honni. Il y avait des sketches à la télé pour critiquer sa façon de faire. Car ce pays était mis au ban des nations à cause de la façon dont il gérait sa politique intérieure. Il n’avait pas commis d’agression sur un pays plus faible, ni menacé de détruire un autre pays, ni encouragé des actes terroristes, non. Mais il avait organisé sa vie intérieure d’une façon qui était jugée immorale et choquante par la quasi-totalité des autres pays. Il était donc montré du doigt et boycotté par l’ensemble des nations civilisées et, du coup, par les autres.

Ce pays s’appelait, et s’appelle toujours, l’Afrique du sud. Son régime intérieur, l’apartheid, organisait une discrimination impitoyable entre citoyens de première et de seconde classe. Droit de vote, emplois, études supérieures et même simple place au soleil y étaient réservés aux premiers. Une discrimination fondée sur la couleur de la peau. Le racisme érigé en loi. Révoltant.

La lutte contre l’apartheid a été longue. Elle a coûté cher en larmes, en souffrance, en sang et en héroïsme. C’était une lutte légitime. Elle a triomphé, et on peut se réjouir qu’il en soit ainsi.

Dans les années 2000-2010, quelques pays organisent leur politique intérieure sur la base d’une discrimination entre citoyens de première et de seconde classe. Droit de vote, emplois, études supérieures et même simple place au soleil y sont réservés aux premiers. La discrimination, impitoyable, n’y est pas fondée sur la couleur de la peau, mais sur le sexe. Les hommes y règnent en maîtres, les femmes ont pour l’essentiel le droit de se voiler, de les servir et de se taire. Le sexisme érigé en loi. Une nouvelle forme d’apartheid.

Ces pays-là ne sont pas spécialement au ban des nations. Ou s’ils le sont, c’est pour d’autres motifs. Le commerce avec eux se fait au grand jour, et la signature de juteux contrats donne lieu, dans les pays fournisseurs, à des annonces réjouies. Il ne viendrait à l’esprit d’aucun dirigeant de les dénoncer pour la façon dont ils organisent leur vie intérieure. Ni encore moins de parler d’apartheid. Quant à organiser un boycott contre eux, il ne semble pas que ce soit à l’ordre du jour.

Il faut dire que, entre 1970 et 2010, les droits de l’Homme ont fait de formidables progrès.


Christian Romain

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