jeudi 11 juin 2009

La loi HADOPI partiellement censurée par le Conseil constitutionnel.

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Suite à une demande des députés socialistes, le Conseil constitutionnel vient de rendre son arrêt sur la loi HADOPI. C'est clair et net : la partie concernant le pouvoir de couper la ligne à un abonné "fautif" a été jugée irrecevable et donc annulée. La HADOPI n'aura plus le pouvoir que d'adresser des avertissements, le droit de coupure restant réservé à une autorité judiciaire.

Cette loi liberticide, déjà en contradiction avec les textes européens, se trouve ainsi vidée de sa substance. La HADOPI devient un "comité Théodule" de plus, sans autre véritable intérêt que d'occuper quelques amis du pouvoir et de leur permettre de percevoir un traitement prélevé sur l'argent des contribuables.

Il reste désormais deux possibilités à l'Elysée pour promulguer cette loi. Soit la promulguer en supprimant les passages litigieux, à charge pour les députés de proposer et de réécrire un nouveau texte remplaçant les passages supprimés. Soit revenir devant le Parlement et revoir la copie de A à Z pour en faire un texte conforme à l'avis du Conseil. En tout état de cause, et malgré leurs déclarations lénifiantes, cette décision est un camouflet pour Nicolas Sarkozy, pour Christine Albanel et, de façon plus générale, pour tous ceux qui au gouvernement ont tenté, consciemment ou non, de se donner les moyens de museler Internet.


Voici le communiqué de l'agence Reuters sur le sujet :


Le Conseil constitutionnel a censuré mercredi les pouvoirs de sanction de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) créée pour lutter contre le piratage. Ce projet de loi adopté le 13 mai dernier par le parlement à l'instigation de Nicolas Sarkozy prévoyait la création d'une autorité chargée de la mise en oeuvre d'une "riposte graduée" pouvant aller jusqu'à la suspension de l'abonnement en cas de récidive pour les auteurs de téléchargements illégaux. C'est ce volet qu'a invalidé le Conseil constitutionnel, saisi par les députés socialistes opposés au projet, estimant que seules les instances judiciaires, et non une simple autorité administrative, pouvaient décider de couper l'abonnement. En revanche, il a validé la partie du dispositif qui permet à l'Hadopi d'envoyer des messages d'avertissement aux fraudeurs.

"C'est Nicolas Sarkozy qui a été censuré par le Conseil constitutionnel", a déclaré le député Patrick Bloche, porte-parole du Parti socialiste dans le débat. Le président français avait reçu l'appui d'une bonne partie du monde artistique pour faire passer ce projet de loi qui a suscité des divisions au sein de sa propre majorité. "La décision est très claire. Le coeur du projet de loi du gouvernement soutenu par l'UMP a été annulé. Ça veut donc dire qu'internet, c'est un droit", a dit Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale.

LIBERTÉ D'EXPRESSION
Le Conseil estime dans un communiqué que plusieurs dispositions "n'étaient pas conformes à la Constitution". La liberté de communication et d'expression "implique aujourd'hui, eu égard au développement généralisé d'internet et à son importance pour la participation à la vie démocratique et à l'expression des idées et des opinions, la liberté d'accéder à ces services de communication au public en ligne", explique-t-il. Or, ajoute-t-il, les articles 5 et 11 de la loi confiaient à la commission de protection des droits de l'Hadopi des pouvoirs de sanction l'habilitant à restreindre ou à empêcher l'accès à internet à des titulaires d'abonnement.

"Ces pouvoirs pouvaient donc conduire à restreindre l'exercice, par toute personne, de son droit de s'exprimer et de communiquer librement", expliquent les "sages". "Dans ces conditions, le législateur ne pouvait, quelles que soient les garanties encadrant le prononcé des sanctions, confier de tels pouvoirs à une autorité administrative dans le but de protéger les titulaires du droit d'auteur. Ces pouvoirs ne peuvent incomber qu'au juge", poursuit le communiqué.

De plus, le Conseil a estimé contraire à l'article 9 de la Déclaration de 1789 - principe de la présomption d'innocence - le fait que seul le titulaire du contrat d'abonnement à internet pouvait faire l'objet des sanctions instituées. "En méconnaissance de l'article 9 de la Déclaration de 1789, la loi instituait ainsi, en opérant un renversement de la charge de la preuve, une présomption de culpabilité pouvant conduire à prononcer contre l'abonné des sanctions privatives ou restrictives du droit", a estimé le Conseil.

SIMPLE RÔLE PRÉALABLE POUR HADOPI
Concernant les pouvoirs d'avertissement confiés à l'Hadopi, le Conseil a décidé de les valider après avoir censuré les pouvoirs de sanction. "A la suite de l'annulation de ces derniers, cette autorité ne dispose plus que d'un rôle préalable à une procédure judiciaire", explique le Conseil, qui insiste sur la nécessité de limiter le nombre d'infractions, très nombreuses, dont les autorités judiciaires seront saisies.

Les traitements de données à caractère personnel s'inscrivent dans un processus de saisine de juridictions compétentes et ne sont pas contraires à la Constitution, conclut le Conseil constitutionnel. Il souligne toutefois avoir formulé une réserve "pour rappeler qu'il appartiendra à la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés-NDLR), lorsqu'elle sera saisie de la demande d'autorisation de ces traitements de données à caractère personnel, de veiller à ce qu'ils respectent cette finalité".
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