lundi 15 mars 2010

MoDem - Résultats officiels par région.

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Voici les résultats officiels du MoDem région par région, tels que communiqués par le ministère de l'Intérieur.

A côté du résultat régional, vous trouverez les pronostics correspondant au(x) dernier(s) sondage(s) effectué(s) pour cette région. Dans la plupart de cas, le pronostic n'était pas mauvais.
Résultats officiels Derniers sondages
ALSACE 4,44% 5% - 4%
AQUITAINE 10,43% 12%
AUVERGNE 4,51% -
BASSE NOR. 8,90% 8%
BOURGOGNE 3,77% -
BRETAGNE 5,36% -
CENTRE 5,08% 6% - 3%
CHAMP.-ARD. 4,34% 4%
CORSE 4,25% 2%
FR.-COMTE 3,52% 3%
HTE NOR. 2,88% 3%
IDF 3,98% 5% - 4%
LIMOUSIN 3,56% -
LORRAINE 3,16% 4%
MIDI-PYR. 3,78% 9% - 6%
NORD-PDC 3,93% 5%
PAYS DE L. 4,57% 7% - 6,5%
PICARDIE 3,74% -
POITOU-CH. 4,37% 5% - 6%
PACA 2,51% 2,5% - 4%
RHONE-ALPES 4,33% 5% - 5%
FRANCE 4,28% 4,5% - 5% - 4,5%


Une analyse détaillée sera mise en ligne dans les prochaines heures.


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samedi 6 mars 2010

Quand la LICRA vient aider le FN…


A une semaine du premier tour des Régionales, le Front National semble, dans diverses régions, en position de se faire entendre. Les récents sondages le créditent de 10% d’intentions de vote en Lorraine, de 12% en Alsace, de 16% en PACA ou de 17% dans le Nord-Pas de Calais. Et comme cela ne suffit pas, la LICRA vient de se décider à lui donner un petit coup de pouce.

Comment ? Oh, comme d’habitude : en permettant à M. Le Pen de se poser en victime aux yeux de son électorat.

L’affaire est simple. La section « Jeunes » du Front National a conçu et développé une campagne d’affichage sur le thème de l’islamisme. Cette campagne, visiblement inspirée de celle menée en Suisse lors de la fameuse votation contre les minarets, montre une femme en burqa sur fond de minarets représentés comme autant de missiles. Image outrancière, bien dans le style de ce à quoi le FN nous a habitués.

Laissée à elle-même, cette campagne apparaîtrait rapidement pour ce qu’elle est : une caricature assez primaire destinée à jouer sur les craintes ou les antipathies d’une petite partie de la population.

Mais voilà que la LICRA s’en mêle et, par une procédure de référé, cherche à faire interdire ladite campagne. Du coup, les effets prévisibles s’enchaînent : la campagne et les affiches du FN bénéficient d’une couverture médiatique accrue, M. Le Pen peut «sous-titrer» sa campagne et expliquer qu’il cherche à défendre la laïcité contre l’islamisme, accessoirement il peut accuser la LICRA de vouloir faire le jeu du communautarisme (ce qui ne serait d’ailleurs pas absolument faux, me semble-t-il) et, last but not least, il peut affirmer qu’on cherche par tous les moyens à le bâillonner et à faire taire son parti. Une rhétorique qui lui a toujours réussi et dans laquelle il est passé maître.

Ainsi, une fraction de l’électorat qui aurait hésité à voter pour le FN pourra se convaincre de l’intérêt qu’il y aura pour elle à soutenir un parti contestataire et défenseur résolu de l’anti-islamisme. Et ça, grâce aux belles âmes de la LICRA !

Qui a dit que l’enfer est pavé de bonnes intentions ?


Ch. ROMAIN


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mercredi 17 février 2010

Poids et mesures.

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Dans les années 70-80, un pays était au ban des nations. Certains états faisaient, discrètement, sous le manteau, un peu de commerce avec lui, parce que les affaires sont les affaires ; mais officiellement, un boycott avait été décrété et la réprobation était unanime. Pour vous donner une idée : à l‘école, en cours de langue, on étudiait des textes expliquant pourquoi ce pays méritait d’être méprisé et honni. Il y avait des sketches à la télé pour critiquer sa façon de faire. Car ce pays était mis au ban des nations à cause de la façon dont il gérait sa politique intérieure. Il n’avait pas commis d’agression sur un pays plus faible, ni menacé de détruire un autre pays, ni encouragé des actes terroristes, non. Mais il avait organisé sa vie intérieure d’une façon qui était jugée immorale et choquante par la quasi-totalité des autres pays. Il était donc montré du doigt et boycotté par l’ensemble des nations civilisées et, du coup, par les autres.

Ce pays s’appelait, et s’appelle toujours, l’Afrique du sud. Son régime intérieur, l’apartheid, organisait une discrimination impitoyable entre citoyens de première et de seconde classe. Droit de vote, emplois, études supérieures et même simple place au soleil y étaient réservés aux premiers. Une discrimination fondée sur la couleur de la peau. Le racisme érigé en loi. Révoltant.

La lutte contre l’apartheid a été longue. Elle a coûté cher en larmes, en souffrance, en sang et en héroïsme. C’était une lutte légitime. Elle a triomphé, et on peut se réjouir qu’il en soit ainsi.

Dans les années 2000-2010, quelques pays organisent leur politique intérieure sur la base d’une discrimination entre citoyens de première et de seconde classe. Droit de vote, emplois, études supérieures et même simple place au soleil y sont réservés aux premiers. La discrimination, impitoyable, n’y est pas fondée sur la couleur de la peau, mais sur le sexe. Les hommes y règnent en maîtres, les femmes ont pour l’essentiel le droit de se voiler, de les servir et de se taire. Le sexisme érigé en loi. Une nouvelle forme d’apartheid.

Ces pays-là ne sont pas spécialement au ban des nations. Ou s’ils le sont, c’est pour d’autres motifs. Le commerce avec eux se fait au grand jour, et la signature de juteux contrats donne lieu, dans les pays fournisseurs, à des annonces réjouies. Il ne viendrait à l’esprit d’aucun dirigeant de les dénoncer pour la façon dont ils organisent leur vie intérieure. Ni encore moins de parler d’apartheid. Quant à organiser un boycott contre eux, il ne semble pas que ce soit à l’ordre du jour.

Il faut dire que, entre 1970 et 2010, les droits de l’Homme ont fait de formidables progrès.


Christian Romain

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jeudi 11 février 2010

Avoir eu raison, ça fait plaisir !

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Il y a de cela trois mois, je posais sur ce blog la question : « L’indépendance aux Régionales est-elle tenable pour le MoDem ? ». J’y répondais par la négative, considérant que les faibles scores promis par les sondages et la volonté de ne pas investir trop d’argent pousseraient les dirigeants de notre mouvement à se chercher un partenaire.

Je dressais même le portrait-robot du partenaire en question : un parti capable d’obtenir 2 à 3% des voix, en quête de notoriété et, si possible, financé par un mécène prêt à mettre de l’argent sur la table. Un parti, ajoutai-je, dans le genre du PRG.

Or il apparaît que, de façon discrète et sans trop s’en vanter, le MoDem a bel et bien passé un accord national avec… l’AEI.

L’AEI (Alliance écologique indépendante), c’est la coalition de trois petits partis : le «Mouvement écologique indépendant» d’Antoine Waechter, «Génération Ecologie» de Brice Lalonde et «La France en action» de Jean-Marc Governatori. Il a obtenu 3,63% nationalement aux dernières élections européennes et 2,97% sur l’Ile de France. Voilà pour les espérances de score.

L’AEI est co-présidée par Antoine Waechter et par Jean-Marc Governatori. Ce dernier est un homme d’affaires et chef d’entreprise qui fut, entre autres, le patron de l’enseigne d’ameublement Fly. Deux fois distingué «Meilleur gestionnaire de France» en 1991 et 1997, la vente de ses entreprises lui a rapporté une certaine fortune personnelle, qu’il consacre pour partie à ses activités politiques. Voilà pour le mécène éventuel.

Donc, ce n’était pas mal vu.

Bien que très discret et assez peu médiatisé, cet accord national ne va pas sans difficulté. Ainsi, en Alsace, il a fallu couper court aux velléités d’un Antoine Waechter qui se voyait sur une liste Europe Ecologie. En Languedoc-Roussillon, les allers-retours de François Bayrou hésitant entre le MoDem Marc Dufour et le GE Patrice Drevet ont abouti à une situation ubuesque. Et en Midi-Pyrénées, il semble que l’accord ait finalement échoué pour des histoires de gros sous.

On note également par ci, par là, la présence de candidats issus de GE sur l’une ou l’autre liste d’Ile-de-France, par exemple Pascal Jourdan dans le 92. Le premier et unique tract distribué pour l’heure par le MoDem porte d’ailleurs au verso le logo de «Génération écologie» (1). Et des accords AEI/MoDem sont d’ores et déjà passés en Auvergne, en Franche-Comté, en Poitou-Charentes, dans le Nord-Pas de Calais et (sous réserve) en Basse-Normandie.

Toutefois, on ne peut pas dire que cet accord national ait été annoncé à coups de trompette par le MoDem. Pourquoi une telle discrétion ? C’est peut-être parce que François Bayrou ne tient pas trop à souligner l’entorse faite à son principe annoncé d’indépendance au premier tour. Peut-être aussi parce que M. Governatori est considéré par certains, à tort ou à raison, comme un personnage quelque peu sulfureux dont le nom a été mêlé à des histoires de secte. Peut-être enfin pour éviter de froisser une nouvelle fois Corinne Lepage, qui aurait assez mal pris ce projet d’accord avec l’AEI et qui n’a pour M. Governatori qu’une estime mitigée.

Reste à savoir si cet accord permettra effectivement au MoDem de faire des scores honorables dans les régions concernées. Réponse le 14 mars.


(1) : Concernant l'autre logo, «Ecologie et démocratie», comme je ne trouvais rien sur Internet, j'ai appelé la permanence d'Alain Dolium où, après quelques recherches, on m'a répondu que «C'est le logo de Jean-Luc Benhamias».


Christian Romain

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jeudi 28 janvier 2010

Les décisions absurdes.


En lisant un ouvrage publié en 1985 par Pierre Lemaître (1), un psychologue et formateur en entreprises, j’ai trouvé un passage fort intéressant sur les processus de prises de décision collectives. Un passage qui, allez savoir pourquoi, m’a paru d’actualité.

L’auteur compile les observations faites lors de ses interventions auprès de personnes appartenant à des milieux variés : agences bancaires, sièges de PME ou de grosses entreprises, administrations, écoles de commerce… A chaque fois, il a constitué deux équipes de cinq à six personnes et leur a proposé un «jeu de décisions».

Le jeu est le suivant. On demande à l’équipe n° 1 de choisir entre deux options A et B, et à l’équipe n° 2 de choisir entre deux options X ou Y. Les décisions n’ont pas de contenu : il faut juste jouer A ou B pour l’une, X ou Y pour l’autre. Chaque équipe reçoit, avant de décider, un tableau qui attribue des points à chacune des options. La caractéristique du tableau, c’est que le résultat final dépendra du croisement des décisions prises par les deux équipes. Par exemple, si le résultat final est (A,X) chaque équipe aura 2 points et s’il est (B,Y) chaque équipe aura –2 points. Si c’est (A,Y), l’équipe n° 1 aura + 3 points et la n° 2 aura –3 points ; si c’est (B,X) ce sera l’inverse. Les points sont distribués de telle façon qu’une suite de décisions prises au hasard amène un gain nul. Enfin, les tableaux sont «transparents» : chacune des équipes sait ce que l’autre peut gagner ou perdre à jouer l’une ou l’autre option.

Chaque équipe se concerte puis, à la fin du temps de réflexion imparti (3 à 4 minutes), annonce sa décision. Le score est alors noté sur un paper-board, puis l’animateur remet aux équipes un nouveau tableau pour une seconde décision et le processus recommence. Chaque équipe prend ainsi douze à quinze «décisions», après quoi le jeu s’arrête.

Les lecteurs qui connaissent la théorie des jeux auront reconnu le célèbre «dilemme des prisonniers», où l’optimum est atteint par collaboration tandis que l’opposition génère des pertes chez chacun des joueurs. Notons que les négociations ne sont pas interdites, mais laissées par l’animateur à la libre initiative des joueurs. Une négociation se mène à part des groupes entre deux personnes mandatée chacune par son équipe

L’auteur rend compte d’observations portant sur 33 sessions, soit 33 groupes représentant 66 équipes. Les résultats observés sont les suivants :

- deux tiers des groupes (22 sur 33) ont obtenu un résultat collectif inférieur à celui qui aurait été obtenu en prenant les décisions au hasard ;

- deux tiers des équipes (44 sur 66) ont obtenu un résultat individuel inférieur à celui qu’aurait donné le hasard ;

- seules 5 équipes sur 66 ont obtenu un résultat supérieur à celui qu’aurait donné une stratégie de coopération menée de façon systématique ;

- la décision (B,Y), celle qui fait perdre les deux camps, est la plus souvent prise puisqu’elle représente 45% du total des choix contre 17% pour (A,X) qui fait gagner les deux et respectivement 18 et 20% pour (A,Y) et (B,X).

Pierre Lemaître note que l’attitude spontanément adoptée par les équipes est le plus souvent celle de la compétition, de sorte que les résultats collectifs sont négligés au profit des espoirs de gain individuel. «Les participants, écrit-il, ont beaucoup de difficultés à concevoir une situation à somme non nulle, où tout ce qui est gagné par les uns n’est pas nécessairement perdu par les autres. Ils se représentent les objectifs divergents des deux équipes sur un continuum linéaire, où toute différence est antagoniste et où les concessions ne peuvent être que des abandons, signes d’infériorité. Ils ne sauraient admettre que céder sur un terrain puisse permettre d’être victorieux sur un autre, sans se faire avoir.» Il note également que si une équipe est divisée, la tendance à faire de l’autre équipe un ennemi est encore plus forte, car cela permet de reconstituer la cohésion interne (phénomène du bouc émissaire).

Cet état d’esprit, observe M. Lemaître, génère un certain nombre de comportements préjudiciables à une bonne appréhension de la situation : opinion négative de l’autre équipe, méfiance, réactions affectives plutôt que rationnelles, position défensive qui amène, en cours de jeu, à adopter une attitude rigide et conservatrice, perte de vue de la finalité du jeu. Il souligne également que, lorsqu’une équipe décide de jouer la coopération, c’est généralement parce qu’elle réalise que les deux sont parties dans une escalade catastrophique. Il est très rare de voir deux équipes s’engager dès le début du jeu dans un processus coopératif, qui serait pourtant le plus payant.

Les négociations n’interviennent pas forcément : 8 sessions sur 33 n’en ont vu aucune. Lorsqu’elles ont lieu, c’est en général après la septième décision. M. Lemaître constate que l’influence de cette négociation est immédiate : (A,X) est davantage joué que (B,Y). Mais elle n’est pas durable. En effet, au retour de leur mandataire, les équipes envisagent assez facilement de ne pas respecter l’accord passé. De plus, la négociation est souvent menée de façon brouillonne ou menaçante, sans définition préalable de l’objectif visé par chacune des équipes.

Au final, Pierre Lemaître tire de ses observations quelques règles de conduite :

- tenir compte des phénomènes de groupe lors d’une prise de décision collective (développer la cohésion de l’équipe, élucider les points de divergence, définir les buts à atteindre) et éviter dans la mesure du possible de trancher de façon réactionnelle ;

- se référer aux objectifs avant de faire un choix ;

- tenter de prévoir les conséquences à moyen terme des choix effectués ;

- essayer de négocier avec ceux dont les décisions ou la conduite peuvent avoir un impact sur les résultats de vos propres choix ;

- ne pas maintenir une conduite qui mène à l’impasse ;

- accepter dans certains cas de perdre momentanément pour regagner davantage ensuite.

Bien sûr, il s’agit là d’un jeu de rôle en entreprise, sans aucun rapport avec ce qui se passe dans la vraie vie. Mais bon, j’ai quand même l’impression qu’une formation de ce type ne serait pas malvenue dans les états-majors de certains partis politiques.


Christian Romain


1 : Des méthodes efficaces pour trouver des solutions – Pierre LEMAITRE – Chotard Editeur – Paris, 1985.


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mardi 26 janvier 2010

Ne croyez jamais la Presse généraliste !

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On me demande parfois pourquoi je suis si négatif lorsque j’évoque les journalistes. De fait, je les considère globalement (il y a toujours des exceptions, bien sûr) comme incompétents, paresseux, incultes et moutonniers. Bref, totalement incapables de fournir désormais une information fiable et de qualité.

Je parle ici des journalistes «généralistes». Les journalistes spécialisés (sport, économie, armement, distribution, science, etc.) qui écrivent dans les revues professionnelles ou, justement, spécialisées, sont en général des gens de qualité. Ce qui n’est définitivement pas le cas de l’immense majorité de la presse quotidienne, des news-magazines, de la radio ou de la télé.

Hier lundi 25, à 17h, j’écoute France-Info. Reportage sur les clandestins kurdes récemment débarqués en Corse. Je cite : «104 des 123 réfugiés sont désormais libres. Les 9 derniers… ». Si les mots ont un sens ; cela signifie que 104 + 9 = 123. Il en manque dix. Donc, soit le rédacteur ne sait pas écrire, soit il ne sait pas compter. Dans les deux cas, c’est une faute professionnelle. D’autant que, j’imagine, un texte n’atterrit pas à l’antenne comme ça, au petit bonheur, même à France-Info. Il doit être lu et relu par plusieurs personnes. Dont aucune n’a été fichue de relever l’ineptie contenue dans l’article.

Je me souviens que, en juillet 2007, le secrétariat d’Etat à la sécurité routière a communiqué les chiffres des tués sur les routes de façon un peu triomphaliste : -11,5% de morts. Jean-Louis Borloo lui-même a annoncé cette baisse. Il a aussi donné les chiffres : 4709 morts en 2006 contre 4975 en 2005. Ceux qui savent calculer se rendront vite compte que la baisse est de 266 morts, soit un pourcentage de 266/4975 = 5,4%. On peut tournicoter les chiffres comme on veut, impossible d’obtenir ce -11,5%. Vous croyez que ça a gêné les journalistes ? Pensez vous ! Ils ont tous répercuté le communiqué comme un seul homme, sans se poser la moindre question. Pour ceux qui ne me croiraient pas, c’est là : http://www.lexpress.fr/actualite/societe/la-route-a-moins-tue-en-2006_465510.html Vous me direz que le premier fautif, c’est l’énarque de service responsable du communiqué et infoutu de se servir correctement de sa calculette. Possible… Mais est-il normal que pas un journaliste n’ait cherché à refaire le calcul, ou ait même senti qu’il y avait une bizarrerie dans les chiffres ?

Le plus rigolo, c’est quand on voit une ineptie se propager. Car tous ces messieurs-dames de la Presse se copient les uns les autres sans la moindre vergogne, et se chipent volontiers le petit détail qui fait branché ou qui donne l’illusion que l’auteur est au courant. Ainsi, lorsque Le Roi Lion, le dessin animé des studios Disney, est sorti au cinéma, ça fait quand même pas loin de quinze ans, un journaleux a écrit que l’histoire était inspirée du Roi Lear, de Shakespeare. Je suppose qu’il avait lu dans un article US que l’histoire s’inspirait de Shakespeare et que, emportée par l’euphonie «Roi Lion / Roi Lear», son imagination avait fait le reste. Eh bien, je me souviens d’avoir retrouvé cette sottise dans plus des deux tiers des articles qui rendaient compte du film ! Sottise, parce que, si vraiment Le Roi Lion était inspiré d’une pièce de Shakespeare, ce serait plutôt Hamlet : un roi assassiné par son frère et trahi par sa veuve, et dont le fantôme demande à son fils de le venger… Mais peut-on vraiment demander à un journaliste de connaître l’histoire de Hamlet ou celle du roi Lear (un roi vieillissant qui partage son royaume entre ses trois filles) ? C’est déjà bien assez beau s’il écrit sans faire trop de fautes de français.

Et le plus bel exemple, pour finir. Lorsque Georges Besse, le patron de Renault, fut assassiné en 1986 par le groupe Action Directe, les assassins lui volèrent sa mallette de cuir. Plusieurs mois plus tard, quand la bande fut retrouvée et arrêtée dans une maison de campagne du Loiret, on apprit que l’une des filles, Nathalie Ménigon, élevait des hamsters et qu’elle leur avait donné à manger le cuir de la mallette. L’image fit florès. Sans qu’aucun journaliste, à aucun moment, ne s’offusque de la stupidité de «l’information», les hamsters bouffeurs de mallette devinrent un passage obligé de tout reportage sur le sujet. Quelques années plus tard, au moment du procès de la bande, la presse évoquait encore «Madame Besse, digne et grave, qui a peut-être encore en tête le souvenir de la mallette qu’elle avait offerte à son mari, et que l’un des assassins a fait manger par ses hamsters.» (je cite de mémoire). Vous trouvez cette histoire de hamsters débile ? Invraisemblable ? C’est que vous êtes plus exigeant, sur le plan intellectuel, que le journaliste de base. Seul Le Monde, trois jours après ses premiers articles, faisait amende honorable et donnait le fin mot de l’affaire dans son édition du 25 février 1987 : «Le Monde, comme d'autres organes de presse, avait repris dans ses éditions du 24 février l'information d'agences de presse selon laquelle Nathalie Ménigon donnait des lambeaux de la serviette en cuir de Georges Besse (...) à ronger aux hamsters qu'elle affectionne tant. Information qui ajoutait au mythe sinistre, mais était, en fait, erronée. Les confidences policières recueillies par nos confrères précisaient, en réalité, qu'elle avait fabriqué un holster - étui d'arme à poing - avec ladite serviette. Holster, hamster, la consonance des mots et le goût du sensationnel ont fait le reste». La consonance des mots et le goût du sensationnel, tout est dit.

Ces exemples au fil du temps pour illustrer un propos simple : l’information que nous recevons est tronquée, déformée et amputée par ceux-là même qui devraient veiller à sa qualité, parce qu’ils sont massivement incapables de le faire et parce que leurs conditions de travail ne le leur permettent pas. C’est au point que ça devient un jeu. Si un sujet que vous connaissez bien devient sujet d’actualité, amusez-vous à collectionner les inexactitudes, les approximations ou les foutaises que vous allez entendre à la télé et à la radio, ou que vous allez lire dans la presse. Et ensuite, songez qu’il y en a probablement autant de proférées ou d’écrites sur les sujets que vous ne connaissez pas.

Ça donne très vite la manie de faire des vérifications systématiques…

Christian Romain


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mercredi 23 décembre 2009

ENFIN !

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Depuis le temps que j’espérais ça ! Après mille et un débats plus ou moins à la flan sur la burqa, les minarets suisses et le voile intégral ou non, ce sont aujourd’hui des Français musulmans qui se regroupent et prennent la parole pour dire tout haut leur refus des dérives intégristes, leur rejet du sectarisme et le prix qu’ils accordent aux valeurs républicaines !

Quelle joie de voir les positions que je soutiens depuis longtemps enfin exprimées, affirmées et précisées par un collectif de Français musulmans ! Voilà des années que j’attendais un tel sursaut, convaincu que je suis depuis que je m’intéresse à la question que la solution de «l’Islam à la française» doit nécessairement venir des Français musulmans eux-mêmes.

La fédération Mosaïc, qui se définit comme «fédération laïque des citoyens de sensibilité musulmane», a lancé ce week-end un appel plein de bon sens et de mesure, qui pourtant met clairement les points sur les i. Sous le titre «Pas en notre nom !», cet «appel national des citoyens républicains et musulmans de France» souligne quelques vérités premières et prône la diffusion d’un islam tolérant, ouvert et compatible avec les valeurs républicaines. Mieux, il affirme que les excès encouragés par une toute petite minorité maximaliste sont assimilables à une dérive sectaire, et une dérive orchestrée. C’est ainsi qu’on peut lire dans cet appel : «Ces groupuscules qui se prétendent musulmans utilisent l'Islam pour fabriquer des frontières mentales entre leurs adeptes et le reste du monde : les non croyants, les croyants non musulmans et aussi les autres musulmans beaucoup plus nombreux qui ne sont pas comme eux. (…) La stratégie de ces prédicateurs consiste à faire passer leur vision du monde totalitaire pour de réels commandements religieux. Nous, citoyens français, laïcs et républicains, disons "Non ! Pas en notre nom ! Et pas au nom de l'Islam !" En tant que citoyens responsables, nous refusons qu'une religion soit ainsi instrumentalisée. Pratiquants ou non pratiquants, croyants ou non croyants, nous nous insurgeons contre cette prise en otage de l'Islam par une infime minorité. Nous disons à ceux qui sont choqués par la burqa qu'ils ont raison de l'être : être choqué par la burqa, c'est respecter l'Islam, c'est respecter la femme. Aucune religion monothéiste ne peut édicter des préceptes et des règles contraires au droit des femmes et qui asservissent l'individu. (…) Nous rejetons donc comme appartenant au même camp, le camp des ignorants et des sectaires, ceux qui imposent la burqa au nom de l'Islam, ceux qui confondent la burqa et l'Islam, ceux qui font des amalgames réfléchis, ceux qui caricaturent les jeunes musulmans, ceux qui ethnicisent les banlieues, ceux qui prétendent que le Coran est incompatible avec la laïcité, ceux qui - au nom de l'Islam ou contre l'Islam - déclarent que les musulmans ne seront jamais des Français comme les autres. (…) Cet appel invite à se connaître et se reconnaître les uns les autres dans un respect réciproque. Cet appel vise à rassembler les habitants de France. Cet appel vise à donner la parole, enfin, à l'immense majorité des musulmans de France qui se reconnaissent dans la laïcité, la République et ses valeurs. Désormais, les citoyens français de sensibilité musulmane, laïcs et démocrates, exigent d'être représentés, écoutés, consultés et entendus non comme des individus à part mais comme une composante à part entière du véritable visage d'une France unie, multiple et réconciliée.»

Outre les fondateurs de Mosaïc, cet appel est signé de Dalil Boubakeur, recteur de la grande mosquée de Paris, de François Stifani, grand-maître de l’obédience maçonnique GLNF, de la sociologue Dounia Bouzar et de l’essayiste Guy Sorman. Et déjà, semble-t-il, de plusieurs milliers de sympathisants, musulmans ou non.

Cet appel est une grande et bonne nouvelle pour les Français musulmans et, au delà, pour notre communauté nationale tout entière. Il mérite d’être diffusé et soutenu aussi largement que possible. Vous pouvez le signer directement, ou vous joindre au groupe de soutien constitué sur Facebook. D'une façon ou d'une autre, n’hésitez donc pas à le diffuser autour de vous : c’est un nouveau pas vers un monde plus ouvert, plus compréhensif et plus tolérant.



Christian ROMAIN

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